Samedi 04 octobre 2025
Déjà, une semaine de manifestations au Maroc.
Trois morts, un amputé et des centaines de blessés.
Protester, c’est dangereux. La politique, c’est dangereux.
L’Etat est violent ? Tous les Etats sont violents, surtout s’ils ont mis au défi. Moi, j’ai trouvé l’Etat marocain bien faible cette fois. Ça change de la toute-puissance manifestée lors du covid où l’administration a sorti les muscles et les tanks. J’ai vu des flics reculer presque en débandade sous les jets de pierre. Des agents abandonnés par leurs collègues en fuite. Des véhicules sérigraphiés désertés et promptement désacralisés par la foule.
Cette désacralisation aura des conséquences de long terme. Quelque chose a été cassée cette semaine. Et l’Etat en est le responsable. Ce n’est pas à moi de faire l’analyse des causes profondes, je ne suis pas spécialiste du maintien de l’ordre. Je serais aux affaires, j’interrogerais l’entraînement donné aux forces d’intervention et l’équipement employé. Après tout, je n’ai pas vu beaucoup de gaz lacrymogène et d’armes non-létales. Les pauvres flics étaient assez démunis.
A Oujda, la police a roulé sur deux manifestants. Mehdi a été amputé de la jambe. C’est horrible. Il a 19 ans, il va à la fac le jour et vend des fournitures scolaires le soir. Wassim a été bien amoché mais je n’ai aucune nouvelle le concernant.
Tout le monde dit que la police a été excessive. Bien sûr, les images ne laissent aucune place au doute. Mais, est-ce que nous savions dans quel état psychique était les chauffeurs des deux estafettes qui ont foncé sur la foule ? Soit ils sont pervers, soit ils ont eu tellement peur qu’ils ont perdu les pédales. Dans les deux cas, il y a un problème de gestion des hommes et de commandement, me semble-t-il.
Il serait tellement facile pour moi de condamner les flics. Le petit bourgeois en sortirait grandi à peu de frais. Mais, je connais mon pays et je sais qu’il est une cocotte-minute à la limite de l’explosion. On a besoin d’un Etat fort pour évacuer l’air comprimé. On en a besoin aussi en cas d’explosion…
Dimanche 05 octobre 2025
Mondialisation.
Après dix ans, je reviens à un quartier de São Paulo où j’ai habité quelques mois, à une époque où j’étais tellement perdu dans la vie que je travaillais dans un métier à mille lieues de ma vocation et de ma personnalité. « Il faut bien payer les factures », c’est ce que je me disais à moi-même et à ceux qui me voyaient me décomposer.
Bon, tout ça, c’est derrière moi.
Tout ce que j’ai laissé est parti en fumée. A l’endroit d’un immense terrain vague planté d’araucarias, une petite ville a été édifiée. Une mini-Défense, certes plus jolie que son homologue parisienne mais guère plus admirable. A croire que tous les architectes du monde entier ont bu à la même source empoisonnée.
On se croirait à Barcelone ou à Singapour. Les mêmes formes, les mêmes matériaux, la même vie capitaliste où il faut faire genre qu’être quelque chose. Ici, on veut faire genre Miami au lieu d’être Brésiliens, au lieu d’être São Paulo. Cette ville s’est tellement oubliée qu’elle passe sa vie à singer des cartes postales tropicales alors qu’elle est le Tropique par essence, par ses essences, ses effluves, ses femmes, ses peaux caramel et ses pluies torrentielles.
Malheureusement, l’argent n’a pas de sens esthétique. Le capital n’a pas de goût. Ceux qui édifient ces tours et ces villes sont des défavorisés : ils ont coupé le cordon ombilical avec leur mère, une mère merveilleuse dont l’utérus sent la papaye et le cacao.
Lundi 06 octobre 2025
Pays béni.
Il suffit que je mette les pieds dans la salle de sport pour que je me sente bien. Dieu, que les femmes sont belles dans cette contrée ! Et encore, São Paulo n’est qu’une station de plus dans le chemin des merveilles brésiliennes. Plus loin, il y a Goiânia et ses brunes à la peau claire. Minas et sa blancheur mélangée au rouge indien. Rio de Janeiro et son festival café au lait. Le sud et sa germanité exubérante. Je me rends compte que je viens de placer germanité et exubérance dans la même phrase. Et pourtant, c’est vrai. Allez à Blumenau ou à Joinville et vous m’en direz quelque chose.
Le prof vient me voir : « qu’est-ce que tu fous ? t’es là depuis une demi-heure et tu fais rien. »
Encore un qui n’a rien compris. Je fais une cure.
Il comprendrait s’il avait grandi dans un pays arabe où l’homme est transpercé de part en part par des flèches empoisonnées qui lui injecte dans le sang la haine du féminin. On lui apprend à s’en méfier, à le surveiller, à le désirer à partir de la frustration et de la colère comme un drogué désire le crack qui le tue à petit feu.
En partant, j’ai dit au revoir à ma copine libanaise maronite. Elle était sur un vélo d’appartement en train de monter le Mont-Liban. Gloire éternelle aux Phéniciens !
Dimanche 13 octobre 2025
Je suis partagé.
Trump déclare victoire. Il a obtenu un cessez-le-feu à Gaza. Au passage, il a démontré l’ineptie des journalistes et commentateurs qui l’accusent depuis des années d’être une menace pour la paix. Ce sont des idiots et des perroquets de l’Etat profond américain qui le détestent, précisément parce qu’il n’aime pas la guerre.
D’un autre côté, le Hamas aussi peut se dire victorieux. Il a fait rendre gorge à Netanyahou qui, après deux ans de bombardements incessants, en est réduit à libérer 2000 détenus arabes contre 20 otages israéliens. J’appelle cela une capitulation, tout le contraire d’une victoire.
Lundi 14 octobre 2025
Pour comprendre un homme, il faut observer ses habitudes.
Une fois par mois, je descends au centre de São Paulo, prendre un café dans un endroit légendaire, connu des seuls initiés : Café Floresta. Ouvert au début des années 1970, il n’a pas pris une ride ni bougé d’un iota : il sert un café sublime que l’on prend debout dans un espace exigu et que l’on paye cash de préférence (l’usage de la carte vient d’être adoptée, à reculons). Pas question de wifi ni de coworking ici, on vient prendre un café comme on rend un culte à un saint-homme avant d’aller affronter la vie qui vous attend en embuscade de l’autre côté de la rue. C’est un refuge, la ville est tenue à distance par une galerie commerciale qui tient lieu de membrane filtrante. Elle n’admet pas les livreurs à vélo, cette peste qui contamine São Paulo, ni les SDF, cette force d’invasion silencieuse qui colonise avec l’odeur de l’urine, tout ce qui est beau et vrai. Des vigiles y veillent. Je suis dans mon élément : ordre et simplicité.
Ce matin, je suis arrivé en même temps qu’un bus scolaire qui a dégurgité une cargaison d’une trentaine de mômes. Tous blancs, beaux et bien portants, entre treize et quatorze ans.
La serveuse me lance : « toi, t’as bien choisi ton heure ! ». J’avais envie de lui répondre qu’elle venait de résumer l’histoire de ma vie mais j’ai préféré faire contre mauvaise fortune bon cœur et observer ce groupe très singulier.
D’abord, ils ont tous leurs cheveux. Je me suis habitué à voir les hommes chauves ou en voie de l’être. Ils ont l’air heureux et bien éduqués.
Je me fais servir mon expresso avant tout le monde. Droit d’aînesse. Et la serveuse en profite, toute fière, pour m’expliquer qu’ils sont les élèves du collège le plus cher de la ville (2000 euros/mois par tête). Il paraît que le prof a eu le plus grand mal à convaincre les parents d’emmener leurs enfants en excursion au centre-ville, réputée zone interdite.
Je n’ai eu aucun mal à trouver le prof. C’est le seul chauve.
Il mérite une médaille car si mon café favori a une chance de survivre, ce sera grâce à des gens comme lui qui habituent dès leur plus jeune âge les futures élites à apprécier les bonnes choses. Le Brésil s’enlaidit à vue d’œil parce que l’argent est entre les mains des frustres et des incultes. Si l’on veut que la beauté fasse son grand retour, il faut former des mécènes dès maintenant.
Des mécènes blancs.
Aucun noir ni indien parmi eux. Il n’y a pas d’inclusion. Il y a juste de l’hypocrisie.
Tu allumes la télé, tu tombes sur un noir au volant d’un SUV avec une blonde magnifique qui le dévore des yeux : achète la Toyota de tes rêves et tu auras le plaisir de servir la cause de l’inclusion. Et dès que tu franchis la porte du concessionnaire, tu tombes sur le réel où la richesse a la peau claire et l’échec a le teint foncé. Echec à quitter la misère car l’école publique est une calamité. Tout simplement. Bien sûr, des noirs et des indiens s’en sortent, mais ils ont cravaché dix fois plus que leurs voisins pour rattraper le retard systémique que l’école leur a infligé. Au lieu de réformer l’école, Lula et ses acolytes font campagne contre le racisme. Ils savent ce qu’ils font, ils préfèrent régner sur des accidentés de la vie que de gouverner des gens heureux.

Vendredi 17 octobre 2025
Phase Mario Vargas Llosa.
Il a écrit:
“Le Pérou est pour moi une espèce de maladie incurable et les rapports que j’entretiens avec lui sont intenses, rugueux, emplis de la violence qui caractérise la passion”
Je dirais la même chose du Maroc, en moins bien assurément, mais dans le même esprit.
Je tombe régulièrement sur des petits cons qui me reprochent tel ou tel mot sur le Maroc. On les reconnaît à leur ton haineux. Ils se sont investis ambassadeurs du Maroc en France, en Espagne et partout où il existe un réseau social. Ils te reprochent d’avoir dit ceci ou cela mais au fond ils te reprochent d’exister. Ils te reprochent d’oser être toi-même : un pauvre exilé qui accepte son sort au lieu de lécher le tapis pour des miettes. Tu n’es pas un héros, tu as juste une dose d’honneur irrépressible que tu as reçu d’un ancêtre lointain qui a dû préférer qu’on lui coupe la tête que de la baisser en déférence à un petit con.
Alors, je me dis que ces insectes électroniques font partie du côté « rugueux » de la passion, selon le grand Vargas Llosa. Ils sont les moustiques qui gardent les abords du Jardin de l’Eden, sis au fond d’une baie infecte de Guinée Bissau ou du Libéria.
Samedi 18 octobre 2025
Les femmes sont impitoyables. Elles te disent la vérité, en plein dans la tronche, au moment où tu t’y attends le moins.
Et soudain, tu te rends compte, que tu as pris de l’âge, que tu n’es plus le même et que tu as raté le dernier train qui voulait bien te prendre. Là, tu as peur. Puis, rentre l’égo dans l’équation et il te dit que tu es encore entier et que tu n’es pas fini. Mais, tu te vois dans le miroir avant de te coucher, et tu vois qu’il t’a menti.
Je pense à mon père. Comment il faisait ? à qui il se confiait ? à qui il posait ce genre de question ? Je ne l’avais jamais vu écouter l’avis d’aucune femme ni d’aucun homme ailleurs.
Peut-être que je suis mal renseigné.
Dimanche 19 octobre 2025
Ils ont volé le Louvre.
Qui s’en étonne ? Les naïfs et les aveugles.
Le pays est sur les rotules car il n’y a plus de vrais Français. Les de souche sont intoxiqués aux 35h et aux normes hygiène-sécurité, tu ne peux plus obtenir le sacrifice et l’héroïsme de personne. Les immigrés sont déjà assimilés donc alignés sur la culture CGT-chèques resto ou bien ils sont complètement à côté de la plaque par défaut de maîtrise de la langue. Je me suis toujours demandé comment la FNAC ou Sephora communique avec ses agents de sécurité, la plupart débarquant à l’évidence d’une autre planète.
Bien sûr, il y a de belles exceptions, mais on ne fait pas un pays avec des exceptions. On fait un pays avec des individus moyens, des gens normaux, légèrement gris mais dont on tire le meilleur grâce à des chefs exceptionnels. Nous n’avons plus ni les uns ni les autres.
Alors, ce pays privé de sa matière humaine, est une bête qui saigne. Toute la forêt le sait, les prédateurs, petits et grands, affluent.
Avant les braqueurs du Louvre, il y a eu les pirates en col blanc qui ont pris Alstom et Technip. Eux aussi sont tombés sur des Français en papier mâché qui, de Bercy à l’Elysée, leur ont ouvert le chemin au lieu de le leur entraver.
Lundi 20 octobre 2025
Sarkozy bientôt en prison.
Certains hommes sont grandis par les épreuves de la vie. En voilà un. Quel homme !
Dommage qu’il n’ait jamais pensé à la France lors de sa vie.
Mardi 28 octobre 2025
Utérus.
Je viens de m’en rendre compte, ça m’a sauté aux yeux en réalité : la baie de Rio de Janeiro ressemble à un utérus. Une matrice de la vie, presque parfaite. Enfin, je trouve.
Je m’en suis toujours douté, cette ville est une femme. La féminité est partout, exubérante, exagérée, dévergondée, au point où il n’y a plus assez de place pour la masculinité. Les hommes sont soit des adolescents attardés, soit des monstres ultraviolents de ceux que l’on voit aux infos locales munis de fusils et de grenades.

Source: UFRJ
Mercredi 29 octobre 2025
121 morts.
Ici, on se durcit vite. Normal, nous vivons une guerre civile qui ne dit pas son nom. Chaque année, de 45000 à 60000 victimes. Des hommes tuent des hommes, des trafiquants tuent d’autres trafiquants. Mais, pas seulement. Tout le monde est exposé. C’est un terrorisme du quotidien qui concerne riches et pauvres, impossible de s’en extraire même si on roule en véhicule blindé. Le calibre utilisé traverse le blindage conventionnel. Ces jours-ci, une fille de 28 ans, passagère d’Uber, a été abattue d’une balle à la tête sur le périph de Rio de Janeiro. Pour rien.
Personnellement, j’ai croisé trois cadavres et me suis trouvé dans une fusillade en bas de chez moi.
Alors, quand je vois à la télé que la police de Rio de Janeiro a descendu une centaine d’hommes armés de fusil, je me réjouis. Je n’ouvre pas le champagne, mais je me dis que pour la première fois mes impôts ont été utiles à quelque chose.
Impossible de pleurer la mort de terroristes dignes de Daesh.
Tout Brésilien raisonnable sait que cela ne servira pas à grand-chose. Les voyous sont comme les parasites, ils se reproduisent vite. Mais, si une femme qui a perdu sa fille abattue par la mafia se trouve vengée, ça me va. Si un père de famille qui a été privé de revoir ses enfants par un trafiquant pervers obtient justice, ça me va.
Et tous ceux qui se plaignent du bilan, je ne les écoute même pas. Quand il y a la guerre, tu reconnais qu’il y a la guerre. Sinon, tu es un imbécile.
J’ai pleuré pour le sergent Heber, du BOPE. Toute la matinée d’hier, il a échangé avec sa femme par whatssap. Il lui a demande de prier, plus d’une fois. Elle lui a répondu : « chérie, Dieu te protège en ce moment, je prie pour toi». Et puis à partir de 13h30, il a arrêté de répondre à ses messages. Un appel manqué, puis deux puis trois. Enfin, elle s’est doutée de ce qui s’est passé et elle lui a envoyé : « Tu ne m’as plus rien écrit, et maintenant qu’est-ce que je vais dire à Sofia [ta fille] ?
Que Dieu ait miséricorde de cette famille.

En plus du sergent Heber, trois autres policiers sont morts aux mains des insectes que la gauche brésilienne sanctifie au nom des inégalités et des droits de l’homme :
- Marcus Vinícius Cardoso de Carvalho,
- Rodrigo Velloso Cabral
- Cleiton Serafim Gonçalves

Heureusement qu’il y a encore des hommes pour mourir pour une société pourrie et un Etat méprisable.
Nous ne sommes pas égaux. Il y a les grands hommes et les autres.
Retrouvez les états d’âmes des mois précédents dans la rubrique Journal :
https://www.drissghali.com/fr/journal/
dont celui de septembre dernier :
https://www.drissghali.com/fr/2025/09/10/journal-du-mois-de-septembre-2025/


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